lundi 31 juillet 2017

Changements d'armées : symptomatique

Depuis le début de la décennie, plusieurs dizaines de militaires de l'armée de terre, engagés
volontaires et sous-officiers, tous fantassins, l'ont quittée pour rejoindre l'armée de l'air ou la marine. Ils y ont grossi les rangs des commandos parachutistes de l'air (CPA), une spécialité qui recrute aussi bien dans sa dimension spéciale (CPA10), que conventionnelle (CPA 20 et 30), ou des fusiliers marins, une spécialité redécouverte par la marine, dans le contexte terroriste actuel.
La visibilité nouvelle du CPA 20 (dont les groupes action spécialisés sont désormais logés au CPA 30) en Afghanistan aura contribué à lui ramener ces forces vives déjà expérimentées. A l'époque, les équipes TACP (guidage avancé) étaient souvent déployées au sein de groupement tactiques interarmes (GTIA) de l'armée de terre. Là, les fantassins éberlués ont pu visualiser le niveau de matériel de ces commandos mal connus, qui avaient déjà le HK416, mais aussi des HK417 (qui ont été brièvement en service dans la conventionnelle de l'armée de terre avant d'être confiés au FS), des fusils de tireurs d'élite .338, des vrais gilets pare-balles confortables. Après quelques années de faible investissement, l'armée de l'air avait aussi mis le paquet sur le petit matériel, faisant ressembler ces opérateurs à leurs cousins du CPA 10, même si leurs missions diffèrent. Néanmoins, le CPA 10 a aussi fini par comprendre que ces opérateurs détenaient un niveau d'expérience riche qui lui profitait par la suite.
Au niveau emploi, les CPA conventionnels n'ont pas manqué de travail non plus. Leur nombre limité garantit une autorelève, donc une régularité des missions, toutes plus intéressantes que les autres. Un sous-officier du CPA 30-NG croisé lors des répétitions du 14 juillet m'a ainsi expliqué avoir passé 9 mois hors de sa base sur une année. Pas forcément atypique.
Un militaire de l'armée de terre peut faire pareil, mais en goûtant à l'ivresse des landes de Champagne, et à l'exotisme de la jungle urbaine, le plus souvent parisienne. On le sait, l'état-major de l'armée de terre a accepté bon gré cette mission, d'abord pour regonfler ses effectifs, et en pensant que la manoeuvre RH aurait aussi pour corollaire une modernisation plus rapide du matériel (on voit mal comment budgétairement cela aurait pu passer).
Louvois a aussi fait de gros dégâts, dans les comptes bancaires, mais aussi dans la relation entre commandeurs et commandés. L'armée de l'air n'a pas adopté ce logiciel fou (actualisé : on me rappelle que la marine l'a fait, elle).
Certes, les militaires de l'armée de terre auraient pu rejoindre un GCP (où les opérateurs sont brevetés paras, comme en CPA), une spécialité de l'armée de terre qui recrute. Ou une SAED, où l'armée de terre a investi aussi. Mais manifestement, l'analyse n'a pas été faite dans ces termes par les intéressés.
Les paras de la 11e BP, qui s'entraînent pour intervenir dans l'urgence doivent, comme les autres composantes, se confronter aux mêmes zones de métropole. Alors que les sauts en parachute (minimaux) restent toujours aussi difficile à réaliser. Leur CEMAT ne découvre pas le sujet, qu'il devait gérer déjà quand il commandait cette même brigade.
Il devient donc difficile, dans ce contexte, de conserver un moral au plus haut. Au printemps, le 8e RPIMa et quelques éléments des régiments d'appui a eu la chance d'aller à Djibouti démontrer qu'un raid type Kolwezi était toujours possible, en 2017. Aucune communication n'a eu lieu à l'extérieur, sans doute pour éviter de faire des jaloux.
Marginalisée dans l'opération Chammal, où elle n'a pu placer que quelques canons (les artilleurs ont pu ainsi montrer leurs compétences), l'armée de terre, et notamment l'infanterie risquent aussi de voir son volume d'engagement réduit dans Barkhane. Les relèves à venir montrent très bien que les volumes vont se compresser. Déjà les postes isolés, bâtis à grand prix, sont redevenus des forts Saganne balayés par le vent. Pour faire entrer les immenses besoins en matériel dans un patin de danse budgétaire particulièrement étroit, il va donc falloir tailler partout, opex comprises. Barkhane, avec ses gros bataillons et de jolis surcoûts, fait figure de cible toute désignée.
Ce faible volume d'engagement à venir risque donc d'accentuer, au terme d'une démonstration un peu longue -et je m'en excuse- de nouveaux changements d'armes. Outre les opérateurs, les CPA -et les fusiliers commandos de l'air- recrutent aussi dans la cynotechnie, et sans doute demain, apprécieront les spécialistes en dépiegeage. Une unité comme le CPA 10 est aussi à 20% constituée de non commandos : mécaniciens, informaticiens, transmetteurs... Bref, les portes sont ouvertes comme on dit.

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